En réponse à une question préjudicielle posée par la « Cour centrale » espagnole, la CJUE estime qu’une législation nationale ne peut pas dispenser les entreprises de mesurer le temps de travail journalier des salariés.
Un syndical espagnol réclamait d’une banque qu’elle mette en place un système d’enregistrement du temps de travail journalier.
Il se trouve qu’il n’y a pas en droit espagnol, tel qu’interprété par la jurisprudence, d’obligation générale de décompte quotidien du temps de travail : sauf convention ou accord collectif plus favorable, les entreprises ont pour seule obligation de tenir un registre des heures supplémentaires et de communiquer chaque mois aux salariés et à leurs représentants le nombre d’heures supplémentaires effectuées. À noter que, selon une enquête réalisée en 2016, plus de la moitié des heures supplémentaires ne seraient pas enregistrées.
Saisie de ce litige, la « Cour centrale » espagnole a préféré surseoir à statuer et interroger la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la conformité du droit espagnol à celui de l’Union européenne.
Dans une décision du 14 mai 2019, la CJUE estime effectivement qu’une législation nationale qui dispense les employeurs d’établir un système permettant de mesurer le temps de travail journalier effectué par chaque salarié est contraire à la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
Il revient donc maintenant à la Cour centrale espagnole de tirer les enseignements de la décision de la CJUE.
Qu’en est-il en France ?
Pour rappel, dès lors que les salariés d’un service ou d’un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il effectue ce décompte quotidiennement (par enregistrement des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail accomplies), mais également chaque semaine, par récapitulation du nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié (c. trav. art. L. 3171-2 et D. 3171-8).
Il existe des exceptions, mais elles sont assorties de garanties. S’agissant des conventions de forfait annuel en heures, il faut prévoir par accord collectif des modalités de contrôle de la durée du travail. À défaut, l’obligation de décompte individuel s’applique (c. trav. art. D. 3171-9). Quant aux conventions de forfait annuel en jours, l’employeur à l’obligation de décompter les journées et demi-journées travaillées (c. trav. art. D. 3171-10). En outre, l’accord collectif doit prévoir des modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail (c. trav. art. L. 3121-64).
Au vu de ces diverses dispositions, et sous réserve de la jurisprudence ultérieure de la Cour de cassation et de la CJUE, on peut donc penser que la législation française satisfait à l’obligation de décompte établie au niveau européen.