Sources : Le Parisien, CNIL

La Cnil avait été saisie en 2018 par six plaintes. Elle exige désormais que les organismes arrêtent de prendre systématiquement en photo leurs employés lors de la vérification des temps de travail.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a mis en demeure plusieurs organismes d’arrêter de prendre systématiquement en photo leurs employés lors de la vérification des temps de travail, a indiqué ce jeudi le gendarme français des données personnelles. Cette décision fait suite à plusieurs plaintes concernant des instances privées et publiques.0

En 2018, la Cnil avait été saisie par « six plaintes émanant d’agents publics et de salariés d’entreprises dénonçant la mise en place par leur employeur de badgeuses photo sur leur lieu de travail », qui intégraient donc la prise d’une photo à chaque pointage, a-t-elle détaillé dans un communiqué.

Mesure « excessive »

Après enquête, la Cnil a considéré que l’utilisation de badgeuses photo « contrevenait au principe de minimisation » prévu par le règlement européen sur les données personnelles (RGPD), qui limite la collecte de données au strict nécessaire de la finalité recherchée. « La collecte obligatoire et systématique, deux à quatre fois par jour, de la photographie de l’employé à chacun de ses pointages apparaît excessive », a jugé l’autorité.

La Cnil a également souligné que les pointeuses à badge classiques étaient suffisantes pour contrôler les horaires de travail. « Le renforcement du rôle du personnel encadrant, notamment pour prévenir et empêcher la fraude, devrait, par principe, être privilégié au recours à des dispositifs de contrôle reposant sur des technologies intrusives », a enfin conseillé la Commission.

27 % de plainte en plus en 2019

Pour éviter de payer une amende, les organismes mis en demeure – ils ne sont pas nommés – ont trois mois pour modifier leurs dispositifs.

Les plaintes déposées auprès de la Cnil, le gardien de la vie privée des Français face au numérique, ont augmenté de 27 % en 2019 pour atteindre 14 137, selon le rapport d’activité annuel de l’institution publié début juin. Près de 11 % de celles-ci concernent « la surveillance des employés sur leur lieu ou pendant leur temps de travail », au moyen d’outils tels que la vidéosurveillance, la géolocalisation ou les écoutes téléphoniques, avait-elle alors détaillé.

Communiqué de la CNIL

En 2018, la CNIL a reçu six plaintes émanant d’agents publics et de salariés d’entreprises dénonçant la mise en place par leur employeur de badgeuses photo sur leur lieu de travail. Ces dispositifs de contrôle d’accès par badge intègrent une prise de photographie systématique à chaque pointage.

Quatre contrôles, menés entre mars et septembre 2019, ont permis de confirmer l’usage de ces dispositifs au sein des organismes publics et privés.

Ce que disent les textes

Tout dispositif de contrôle des horaires de travail doit respecter le principe de minimisation prévu par l’article 5(1.c) du RGPD. Ainsi, les données collectées dans ce cadre doivent être adéquatespertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard de cette finalité.

Ce principe trouve également écho dans l’article L1121-1 du Code du travail, applicable aux contrats de droit privé : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont déjà eu l’occasion de préciser, à propos d’un dispositif assurant le contrôle des horaires des salariés par la collecte de leurs données de géolocalisation, que « l’utilisation (par un employeur) d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail (de ses salariés) […] n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace ».

Les constatations de la CNIL

En l’occurrence, s’agissant des dispositifs concernés, la Présidente de la CNIL a considéré que l’utilisation de badgeuses photo par les organismes contrevenait au principe de minimisation. La collecte obligatoire et systématique, deux à quatre fois par jour, de la photographie de l’employé à chacun de ses pointages apparaît excessive.

En effet, les outils de gestion des horaires sans prise de photographie, tels que les pointeuses à badge classiques, apparaissent suffisants, sauf circonstances particulières et dûment étayées, pour remplir la finalité de contrôle des horaires de travail. Les pointeuses par badge enregistrent le jour et l’heure de pointage de la personne utilisant le badge et permettent d’assurer un contrôle satisfaisant des horaires de travail des agents.

Les contrôles de la CNIL ont notamment permis de constater qu’en pratique, l’accès aux photographies pour contrôler les horaires des salariés était quasi inexistant, et qu’il n’y avait pas de procédure contentieuse initiée sur la base des informations collectées par ces dispositifs.

Des mises en demeure de respecter le RGPD

Ces éléments ont conduit la Présidente de la CNIL à mettre les organismes concernés en demeure de rendre leurs dispositifs de contrôle des horaires conformes au RGPD dans un délai de trois mois.

Ces mises en demeure sont l’occasion de rappeler que le respect des règles de protection des données à personnelles est un facteur de transparence et de confiance. Il participe ainsi à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail.

Le renforcement du rôle du personnel encadrant (managers), notamment pour prévenir et empêcher la fraude devrait, par principe, être privilégié au recours à des dispositifs de contrôle reposant sur des technologies intrusives.

Pour rappel, si les organismes ne se conforment pas à leur mise en demeure, la Présidente aura la possibilité de saisir la formation restreinte de la CNIL qui pourra alors prononcer une sanction pécuniaire et rendre celle-ci publique, si elle l’estime nécessaire.