Source : Les Echos

Par Laurent Thévenin publié le 26 janv. 2021 à 9:20Mis à jour le 27 janv. 2021 à 8:15

Les communes et les intercommunalités sont dans la dernière ligne droite pour se mettre en conformité avec le régime légal des 1 607 heures de travail par an. Un dossier qui suscite des levées de boucliers chez les syndicats.

C’est le dossier RH brûlant du premier semestre dans un certain nombre de communes et intercommunalités. Celles dont les agents ne sont pas encore aux 1.607 heures de travail annuelles doivent se mettre dans les clous en vue d’une application au 1er janvier 2022 au plus tard. La loi de Transformation de la fonction publique d’août 2019 est venue mettre un terme aux régimes dérogatoires. Les collectivités du bloc communal doivent avoir délibéré avant l’été. Les régions et les départements devront être passés aux 1.607 heures au 1er janvier 2023 au plus tard.

Le mouvement est déjà largement enclenché. En 2019, les trois quarts des collectivités avaient aligné leur temps de travail sur le seuil légal (57 %) ou s’apprêtaient à le faire (18 %), comme l’avait montré le baromètre RH des collectivités locales réalisé par Randstat en partenariat avec des associations d’élus et l’Association Nationale des DRH des Territoires (ANDRHDT).

 « Parmi le quart restant, 10 % l’ont mis en place au 1er janvier 2021 ».

Patrick Coroyer, président de l’ANDRHDT et DRH de la ville de Nantes et de Nantes Métropole.

Pas de compensation financière

Le chantier est sensible sur le plan social.

«Cela implique de supprimer des jours de congés supplémentaires »« C’est un chantier RH complexe au cœur d’enjeux stratégiques. Mais la période actuelle ne prête pas à discuter sereinement de ces sujets. Entre les moments où les RH ont commencé à concevoir les schémas et maintenant, il y a un monde. La crise sanitaire est en train de modifier l’organisation du travail », souligne-t-elle.

Mathilde Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT)

« Beaucoup de colère et d’écoeurement »

« C’est vu comme une régression par les agents, car la loi ne prévoit pas de compensation financière ».

Patrick Coroyer

En moyenne, l’écart à combler tourne autour de 20 à 30 heures, mais peut montrer jusqu’à 60 heures dans certains cas, indique-t-il.

Selon les chiffres remontés du terrain par François Livartowski, secrétaire fédéral de la fédération CGT des services publics, l’alignement sur les 1.607 heures se traduit « par la suppression de 5 à 12 jours de congé selon les collectivités ».

« Cela provoque beaucoup de colère et d’écoeurement. Tous les jours de congés supplémentaires, comme la journée du maire, par exemple, sont considérés comme des acquis, voire des compensations, parce que les salaires dans les collectivités territoriales sont très bas », insiste-t-il, soulignant que la mobilisation sur le sujet se fait généralement dans une unité syndicale très large.

François Livartowski, secrétaire fédéral de la fédération CGT des services publics

Cet alignement aux 1 607 heures « s’accompagne de contreparties comme la participation à la protection sociale complémentaire, par exemple, ou l’amélioration des conditions de travail », affirme de son côté Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine), président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et auteur, en 2016, d’un rapport sur le temps de travail dans la fonction publique.

Revoir l’organisation du travail

L’une des possibilités « pour amortir le choc économique » pour les agents est d’augmenter le temps de travail tout en générant plus de jours de récupération, relève Patrick Coroyer.

« Il faut surtout se pencher sur le contenu pour voir comment ces heures de travail peuvent être utilisées au mieux. Cela peut être l’occasion de revoir l’organisation du travail », estime-t-il : « A Nantes et Nantes Métropole, nous avons calé trente réunions avec les organisations syndicales sur les six premiers mois de l’année pour aborder toutes les dimensions possibles ».

Au-delà de la suppression de jours de congés ou de l’augmentation de la durée journalière du temps de travail, il est possible de relier ce chantier à d’autres dossiers RH, comme la qualité de vie au travail ou la prévention, ajoute Mathilde Icard : « On peut envisager de dédier ces jours supplémentaires à des temps de regroupement ou des actions solidaires ». Les options retenues dépendent des projets politiques et des périmètres d’intervention des collectivités, observe-t-elle.