Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts dans lesquels elle a modifié sa jurisprudence sur l’acquisition des congés payés pendant les périodes d’arrêt maladie ou d’accident. Elle s’est ainsi alignée sur le droit européen, qui reconnaît le droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines à tout travailleur (article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et sur l’article 7 de la Directive 2003/88).

Cour de cassation

Selon la Cour de cassation, les salariés en arrêt maladie non professionnelle ou victimes d’un accident peuvent donc acquérir des congés payés, comme s’ils travaillaient effectivement. Elle a donc écarté les dispositions des articles L3141-3 et Article L3141-5 du Code du travail qui limitaient l’acquisition des congés payés aux périodes de travail effectif ou assimilées.

La Cour de cassation a également jugé que, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le calcul des droits à congé payé ne devait plus être limité à la première année de l’arrêt de travail, mais devait s’étendre à toute la durée de la suspension du contrat de travail.

Enfin, la Cour de cassation a précisé que la prescription du droit à congé payé ne commençait à courir que lorsque l’employeur avait mis le salarié en mesure d’exercer ce droit en temps utile, soit en lui accordant effectivement ses congés au retour de maladie, soit en versant une indemnité compensatrice.

Les réactions à l’arrêt de la Cour de cassation sur les congés payés

L’arrêt de la Cour de cassation a été évidemment clivant chez les acteurs sociaux. D’un côté, les syndicats de salariés ont salué une décision qui renforce les droits des travailleurs et qui met fin à une discrimination des salariés malades ou accidentés. Ils saluent également une mise en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui avait déjà condamné la France à plusieurs reprises pour non-respect du droit au congé annuel payé.

De l’autre côté, les organisations patronales ont exprimé leur mécontentement et leur inquiétude face à cette décision, qu’ils jugent contraire aux intérêts des entreprises et à la compétitivité. Ils ont notamment dénoncé le coût financier que représente l’acquisition de congés payés pendant les arrêts de travail, qui pourrait atteindre 2 à 3 milliards d’euros par an selon leurs estimations. Ils ont également critiqué le risque de contentieux et d’insécurité juridique que génère cette décision, notamment sur la question épineuse de la rétroactivité des droits à congé payé.

Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) par la Cour de cassation, et appuyé par la CPME, visant à contester la conformité de l’arrêt de la Cour de cassation face aux droits et libertés garantis par la Constitution.

    • La première question est de savoir si les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du Code du travail portent atteinte au droit à la santé et au repos garantis par la Constitution en privant le salarié en congé pour maladie non professionnelle, ou maladie professionnelle au-delà d’une période d’un an.
    • La seconde question interroge si l’article L.3141-5, 5° du code du travail, visant les AT/MP, est contraire au principe d’égalité de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et de la Constitution.

L’impact de l’arrêt de cassation sur les solutions de gestion des temps et activités

Ces arrêts de la Cour de cassation, en l’état, impactent les solutions de gestion des temps et activités (GTA) utilisées par les entreprises pour calculer le droit à congés de leurs salariés. Ces solutions doivent en effet être adaptées pour prendre en compte les nouvelles règles d’acquisition des congés payés pendant les arrêts de travail.

Jusqu’à cette décision de la Cour de cassation, le droit à congés payés était diminué en cas d’absence non considérée comme temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés. En l’espèce, les périodes d’arrêt maladie et les AT/MP de plus d’un an pouvaient diminuer le droit. Ainsi différentes méthodes ont pu être mises en place, plus ou moins complexes et précises selon les cas : diminution au prorata, au 30e, en jours ouvrés, par palier, en tenant compte des éventuels accords ou directives conventionnelles. De la même façon, les AT/MP (Accident de travail /Maladie Professionnelles) faisaient l’objet d’un traitement différencié limité dans le temps.

Pour les entreprises concernées, cela implique un re paramétrage de leur logiciel de GTA, afin de modifier ou supprimer les abattements appliqués sur le calcul du droit à congé payé en fonction des motifs d’absence. Un recalcul des données historiques sur les congés payés peut être nécessaire, afin de mettre à jour les droits acquis par les salariés pendant les périodes de suspension de leur contrat de travail.

Cela peut représenter une opportunité de simplification des systèmes de GTA, en supprimant des développements personnalisés qui avaient pu être mis en place. Cela permet également d’améliorer la compréhension, l’administration et la maintenance des solutions de GTA, en standardisant une norme légale et européenne plus simple.

L’enjeu sensible de la rétroactivité du calcul des congés payés et ses répercussions en GTA

Toutefois, un problème de taille se pose pour les entreprises, avec un effet direct sur les solutions de GTA : quelle est la limite de l’effet rétroactif ?

En effet, si les salariés peuvent prétendre à une rétroactivité de leurs droits à congé payé jusqu’à 3 ans, la rétroactivité est en réalité illimitée à ce stade, puisque conditionné par la mise en œuvre de dispositif permettant au salarié de retour d’arrêt de bénéficier de ses congés ou d’une indemnité compensatrice. Cela peut entraîner des difficultés techniques et financières pour les entreprises, qui devront alors reconstituer et indemniser des droits à congé payé sur des périodes bien antérieures à l’entrée en vigueur de l’arrêt de la Cour de cassation.

Du point de vue de la gestion des temps et activités, cela expose au risque d’un recalcul à très grande échelle de nombreux compteurs, avec des effets collatéraux difficilement anticipables. Ce point est sans doute le plus sensible de la décision de la Cour de cassation, et il faudra attendre les réponses du Conseil constitutionnel aux QPC pour connaître son sort définitif.

Conclusion

L’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 sur les congés payés est une décision majeure, qui modifie en profondeur les règles d’acquisition des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie ou d’accident. Il s’inscrit dans le respect du droit européen, qui garantit le droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines à tout travailleur. Cette décision a suscité des réactions contrastées de la part des acteurs sociaux, qui ont saisi le Conseil constitutionnel de deux QPC pour contester sa conformité à la Constitution.

Cet arrêt a bien entendu un impact important sur les solutions de GTA et paie utilisées par les entreprises, qui doivent être adaptées pour prendre en compte les nouvelles règles d’acquisition des congés payés. Elle pose enfin la question de la rétroactivité des droits à congé payé.

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