Entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2020, le comité social et économique (CSE) va progressivement remplacer les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT.

Afin de mener à bien leur mission, les membres élus constituant la délégation du personnel du CSE disposent, comme leurs prédécesseurs, d’heures de délégation. Ce crédit mensuel est variable selon l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement.

Comment calculer la durée de ce crédit d’heures ? Quelle rémunération verser ? Comment traiter le dépassement du crédit d’heures ou l’absence du représentant du personnel ?

Autant de questions concrètes auxquelles nos experts en droit social répondent dans ce cas pratique.

Quels sont les bénéficiaires du crédit d’heures ?

1. Un crédit d’heures pour chaque élu titulaire du CSE

Le crédit d’heures, dont le volume est fixé par voie réglementaire, est attribué aux élus titulaires du CSE. Les suppléants n’en bénéficient donc pas légalement sauf quand :

  • ils remplacent un titulaire ;
  • un accord collectif prévoit le contraire ;
  • un titulaire leur a prêté des heures de délégation.

2. Un crédit d’heures pour les représentants syndicaux au CSE

Dans les entreprises de plus de 500 salariés, le représentant syndical au CSE a droit à 20 heures de délégation par mois. Cette limite peut être dépassée en cas de circonstances exceptionnelles.

Comment calculer la durée du crédit d’heures ?

1. Le crédit d’heures est mensuel et individuel

Ce crédit d’heures mensuel varie en fonction de l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement, selon le niveau de mise en place du CSE. Il peut aussi être augmenté par accord préélectoral, une convention collective ou un usage plus favorable.

Le crédit alloué n’est pas un forfait et il est généralement apprécié dans le cadre du mois civil.

Il peut être utilisé en une ou plusieurs fois en fonction du mandat, et même en fractions d’heures.

Cependant dû pour le mois entier, il ne peut être réduit :

  • – En fonction des heures non travaillées en cours de mois (ex : en cas de congés payés) ;
  • En cas d’élection du CSE ou de désignation d’un représentant syndical au CSE en cours de mois.

Il n’y a pas non plus de cumul de crédit d’heures au titre de deux mandats successifs en cas d’élection en cours de mois.

Le crédit d’heures reste individuel puisqu’il n’appartient qu’au titulaire de partager ses heures de délégation.

Cependant, il peut faire l’objet d’une utilisation cumulée sur douze mois et/ou d’une mutualisation.

Cumul ou report des heures de délégation :

Les heures de délégation sont en principe mensuelles, mais le solde non pris peut être utilisé sur le mois suivant. Ainsi, elles peuvent être utilisées cumulativement dans la limite de 12 mois, sans pouvoir conduire un élu à disposer, dans le mois, de plus d’1,5 fois son crédit d’heures.

Exemple : 
Dans une entreprise de 75 salariés, les titulaires bénéficient en principe d’un crédit mensuel de 19 heures.
Ils peuvent reporter ces heures d’un mois sur l’autre pendant 12 mois en respectant les limites suivantes :
Au maximum : 19 x 1.5 = 28.5 heures
Sur l’année : 19 x 12 = 228 heures

Prêt des heures de délégation :

Les élus titulaires du CSE peuvent, chaque mois, se répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d’heures dont ils bénéficient. Cette répartition ne doit pas amener l’un d’eux à disposer, dans le mois, de plus de 1,5 fois le crédit d’heures d’un élu titulaire.

Exemple :
Dans une entreprise de 75 salariés, les titulaires bénéficient en principe d’un crédit mensuel de 19 heures.
Un titulaire peut utiliser 15 heures :
Et transférer 4 heures à son suppléant ;
Ou transférer 2 heures à son suppléant et 2 heures à un autre titulaire (qui bénéficiera alors de 21 heures de délégation dans le mois, ce qui reste inférieur à 19 x 1.5 = 28.5 heures).

2. Le crédit d’heures est indépendant de la durée du travail

Que le représentant du personnel travaille à temps plein ou à temps partiel, la durée du crédit d’heures est la même. Le code du travail précise toutefois que le temps de travail mensuel d’un salarié à temps partiel ne peut être réduit de plus d’un tiers par l’utilisation du crédit d’heures auquel il peut prétendre. Le solde éventuel de ce crédit d’heures payées peut être utilisé en dehors des heures de travail de l’intéressé.

En ce qui concerne les salariés au forfait jours, à défaut d’accord collectif, le crédit d’heures est regroupé en demi-journées qui viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié. Une demi-journée correspond à quatre heures de mandat. Lorsque le crédit d’heures ou la fraction du crédit d’heures restant est inférieur à quatre heures, le représentant du personnel qui en bénéficie au titre des heures additionnées sur l’année dispose d’une demi-journée qui vient en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié.

Exemple :
Nombre d’heures de délégations : 24 h.
Les heures seront regroupées en 6 demi-journées de 4 heures. 
Au final, 3 jours de délégation viendront s’imputer sur le contingent annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle de forfait.

3. Information de l’utilisation des heures de délégation

L’employeur ne peut pas subordonner l’utilisation des heures de délégation à une autorisation préalable. Toutefois, afin d’assurer la bonne marche de l’entreprise, il peut demander à être informé avant l’absence au poste de travail, soit par :

  • Une information du supérieur hiérarchique au début et à la fin de l’utilisation du crédit d’heures
  • L’utilisation d’un registre écrit
  • La mise en place de bons de délégation.

Dans tous les cas, la mise en place de cette information fera l’objet d’un accord entre l’employeur et les institutions représentatives du personnel.

A noter que le défaut d’utilisation des bons de délégation ne permet pas à l’employeur de refuser le paiement du temps de délégation utilisé par le salarié.

En outre, en cas de prêt des heures de délégation entre les membres du CSE ou en cas d’utilisation cumulée sur une période de douze mois, l’employeur doit en être informé au plus tard, 8 jours avant la date prévue de leur utilisation.

Le bulletin de salaire ne doit comporter aucune mention relative à l’activité des représentants du personnel. Il n’y a donc pas lieu de faire de distinction entre les heures travaillées et les heures de délégation sur la fiche de paie.

L’employeur est néanmoins tenu d’annexer au bulletin de salaire, une fiche indiquant la nature et le montant de la rémunération de l’activité de représentation. Y figurent :

  • Le nombre d’heures de délégation et le mandat auquel elles se rapportent (récapitulatif précis des heures prises ou simple mention « crédit d’heures légal »)
  • Le montant de la rémunération correspondante, en distinguant les heures prises pendant les heures de travail du salarié et celles prises en dehors de la durée légale ou conventionnelle.

Quelle rémunération verser ?

Les heures de délégation comprises dans le cadre du crédit d’heures bénéficient de la présomption de bonne utilisation et sont de plein droit considérées comme temps de travail effectif et payées à l’échéance normale.

1. Les éléments de salaire à retenir

Le représentant du personnel ne doit subir aucune perte de salaire du fait de l’exercice de son mandat.

La jurisprudence a précisé qu’il ne pouvait être privé des primes ayant le caractère de complément de salaire liées au temps de présence effective ou compensant des sujétions particulières d’emploi. Ainsi, les heures de délégation prises en semaine par un salarié travaillant le week-end et bénéficiant à ce titre d’une majoration de salaire seront rémunérées en tenant compte de cette majoration.

L’exercice des fonctions donne également droit aux titres-restaurant.

Le représentant du personnel ne peut toutefois pas prétendre aux remboursements de frais qu’il n’a pas exposés.

2. Les salariés payés à la commission

En ce qui concerne les salariés payés à la commission, la rémunération des heures de délégation doit tenir compte du salaire réel, à savoir, le cas échéant, la partie fixe du salaire calculée au prorata des heures de délégation accomplies ajoutée à un montant moyen de commissions déterminé selon les règles résultant d’accords collectifs, d’usages ou d’accords individuels. En pratique cette moyenne est appréciée sur 3 ou 12 mois.

3. Les heures effectuées en dehors du temps de travail

Lorsque les heures de délégation sont prises en dehors de l’horaire de travail en raison de nécessité de service (travail de nuit par exemple), elles sont rémunérées comme heures supplémentaires. Si l’employeur a mis en place le repos compensateur de remplacement, le représentant du personnel ne pourra prétendre à la rémunération de ses heures.

Comment traiter les dépassements du crédit d’heures ?

Les heures de délégation prises en dehors du crédit d’heures ne bénéficient pas de la présomption de bonne utilisation. Pour pouvoir bénéficier de ce dépassement et de la rémunération des heures, le représentant du personnel doit justifier de circonstances exceptionnelles.

Le code du travail n’ayant pas défini les circonstances exceptionnelles, la jurisprudence en a précisé les contours. Elles sont justifiées par un évènement à la fois important et inhabituel, par exemple un projet de licenciement économique consécutif à une réorganisation de l’entreprise ou la reprise par le comité d’entreprise de la gestion du restaurant, impliquant sa réorganisation et la recherche d’un gestionnaire.

L’employeur peut, avant de rémunérer ces heures, demander au représentant du personnel de justifier de l’existence de circonstances exceptionnelles et de prouver que les heures prises ont bien été utilisées conformément à l’objet du mandat.

Si le dépassement n’est pas justifié, la rémunération des heures n’est pas due par l’employeur.

Comment traiter les absences du représentant du personnel ?

La suspension du contrat de travail n’entraine pas la suspension du mandat. Le représentant du personnel peut donc utiliser ses heures de délégation pendant cette période.

En ce qui concerne le paiement des heures, la jurisprudence considère que les représentants du personnel ont droit à leur paiement sous réserve :

  • En cas de maladie, de produire un certificat du médecin traitant autorisant à exercer le mandat ;
  • En cas d’absence pour congés payés, de ne pas cumuler la rémunération du crédit d’heures avec l’indemnité de congés payés.

La situation de la maladie pose d’autres interrogations :

  • Si l’employeur risque le délit d’entrave en empêchant le représentant du personnel d’utiliser ses heures de délégation pendant son arrêt maladie, il pourrait lui être reproché un manquement à son obligation de sécurité si le salarié était victime d’un accident du travail dans l’entreprise ;
  • Le représentant du personnel peut également se voir demander le remboursement des indemnités journalières de sécurité sociale car l’exercice du mandat est incompatible avec un arrêt de travail.

Références légales
Rép. min. n° 2631, JO Sénat 13 juin 1962, p.492
Cass. Crim 14 février 1978, n° 76-93406
Cass soc 13 décembre 1979, n°78-41277
Articles L 2315-3568910 du code du travail
Article R 2314-1 du code du travail
Article L 3123-14 du code du travail
Cass soc 12 juillet 2006 n°04-44532
Cass soc 11 mars 2009 n°08-40132
Cass soc 28 octobre 2008 n°07-40524
Cass soc 3 juillet 1980 n°79-40469
Cass soc 21 janvier 2004 n°01-43229
Cass soc 27 novembre 2013 n°12-23589
Cass soc 9 octobre 2012 n°11-23167
Cass soc 27 février 2013 n°11-26635
Cass soc 17 mai 1979 n°78-40217
Cass soc 6 avril 2005 n°03-42103
Cass ch mixte 21 mars 2014 n°12-20002 et n°12-20003
Cass soc 19 octobre 1994 n°91-41097
Cass 2e civ 9 décembre 2010 n°09-17449

Source : https://e-paye.com/remunerer-heures-delegation-elu-cse/