Source : Welcome to the jungle

On a tendance à les voir comme des mastodontes accrochés à leur indécrottable culture présentéiste. Pourtant, depuis la pandémie, les grands groupes industriels ont opéré des transformations opérationnelles inédites. De là à dire que certains ont fait preuve de plus de flexibilité que certaines startups ? Voyez plutôt : le groupe PSA (208 000 collaborateurs dont 62 000 en France) a été le premier à jeter un pavé dans la mare en annonçant, avant même la fin du confinement, son intention de « faire du travail à distance la règle plutôt que l’exception ». Concrètement, à l’échelle du groupe, cela concerne 40 000 salarié.e.s, appelé.e.s à travailler de chez eux/elles en moyenne trois jours et demi par semaine, versus une journée et demi sur sites. Chez l’équipementier automobile Valeo, (109 000 salarié.e.s dont 15 000 en France), on vise l’équilibre inverse pour les 30% d’employé.e.s en capacité de télétravailler : davantage de présentiel (trois jours) que de virtuel (deux jours).

Entre enjeux sanitaires et maintien de la cohésion et de la créativité des équipes dans le futur, on a laissé dialoguer Xavier Chéreau et Bruno Guillemet, les DRH des deux groupes. Avec les bouleversements de ces derniers mois, quelles nouvelles normes dans leurs entreprises ? Quid des aménagements des bureaux, de l’équité entre professions ou encore des formations des managers de demain ? Une discussion Zoom, effectuée le 9 octobre dernier, à l’heure où la deuxième vague de Covid-19 enjoint la France à privilégier le télétravail.

Bruno Guillemet (Valeo) : Bonjour Xavier. Je vois que comme moi tu es au bureau cet après-midi… Personnellement je dois l’avouer : malgré l’incitation actuelle au télétravail, c’est vrai que comme j’habite à 10 minutes et que j’ai tout mon matériel et mes dossiers ici, c’est plus commode pour moi de venir au bureau… Mais de ce fait je suis très seul dans les locaux, surtout aujourd’hui ! (L’entretien se déroule un vendredi, NDLR)

Xavier Chéreau (Groupe PSA) : Moi je suis juste venu au bureau pour cette discussion en fait… Parce que j’avais un petit problème de connexion chez moi. (Rires) Plus sérieusement, chez Groupe PSA, si je viens au bureau il faut qu’il y ait une vraie utilité à cela : pour des interactions entre collègues, parce que c’est primordial pour la créativité des équipes… J’imagine que pour toi Bruno c’est la même chose ?

Bruno Guillemet : Oui, même si j’apporterais quelques nuances car je pense vraiment qu’il ne faut pas avoir honte non plus d’être au bureau… Chez Valeo, les personnes qui peuvent faire du télétravail représentent à peu près 30% de l’effectif (globalement les ingénieur.e.s et cadres, NDLR). C’est donc une partie seulement des salarié.e.s et il faut faire attention à ce que le télétravail ne soit pas une source supplémentaire d’iniquité de traitement entre ceux/celles qui sont dans les usines, qui doivent être présent.e.s malgré la crise et avec toutes les contraintes sanitaires qu’on leur impose, et des managers qui pourraient rester chez eux bien au chaud pendant l’hiver. Là-dessus, il y a deux niveaux de communication en interne. Le premier est d’ordre général : expliquer que les choses ne doivent pas être vues de manière antagoniste entre cols blancs et cols bleus. Ensuite, à l’échelle individuelle, ce n’est pas si compliqué. Selon leurs fonctions, les gens comprennent bien, comme les RH d’usine par exemple, qu’ils ne peuvent pas bosser de chez eux. Chaque métier a ses avantages, ses contraintes, et quand on est dans une usine, notre place est là, et on l’accepte parce qu’on a accepté le job. Mais nos entreprises doivent faire attention à ne pas créer d’inégalités supplémentaires.

« Il faut faire attention à ce que le télétravail ne soit pas une source supplémentaire d’iniquité de traitement entre ceux/celles qui sont dans les usines, qui doivent être présent.es malgré la crise et avec toutes les contraintes sanitaires qu’on leur impose, et des managers qui pourraient rester chez eux bien au chaud pendant l’hiver »
Bruno Guillemet, DRH Valeo

Xavier Chéreau : C’est vrai. Cela fait aussi partie des raisons pour lesquelles nous ne prônons pas non plus le 100% télétravail ! Nous visons surtout une moyenne : 70% de travail à distance et 30% de présence physique. Chez Groupe PSA, il faut préciser que nous avions un fort historique sur cette question : 18 000 de nos collaborateurs/collaboratrices partout dans le monde télétravaillaient déjà avant la pandémie. Avec le confinement, ce chiffre est monté à 40 000, sans que cela n’impacte nos systèmes IT. Demain, ce sont ces mêmes travailleurs/travailleuses, dont l’activité le permettent hors production, qui seront concerné.e.s par notre plan d’action New Era of Agility.